
Le cadre de la Supervision est un lieu de travail unique et essentiel pour les professionnels de la relation d’aide. Je propose de partager quelques éclairages sur les points de vigilance des Coachs professionnels à partir du travail que j’effectue avec eux en Supervision.
Lorsque nous échangeons avec quelqu’un, nous pouvons à tout moment entrer en “résonance” avec ce que la personne exprime.
Nous pouvons expérimenter un phénomène de résonance lorsque notre interlocuteur évoque un sujet, une expérience, un jugement, une souffrance… qui vient faire écho en nous, avec une partie de notre représentation de nous-même, de notre vécu, de notre situation présente, ou de notre passé, récent ou ancien (il peut d’ailleurs s’agir d’épisodes profondément enfouis de notre histoire personnelle)…
Ce phénomène est naturel, nous avons tous des expériences singulières qui se rapprochent d’une manière ou d’une autre d’une partie du vécu d’autrui. Certaines paroles, certains récits peuvent ainsi faire écho, même de manière inattendue. Cet écho peut nous troubler, mais il peut aussi être très positif. Il peut être écho libérateur, voire réparateur. En effet, il peut permettre de se sentir moins isolé dans une expérience éprouvante, d’exprimer son propre ressenti, de mieux percevoir son propre vécu… Le phénomène de résonance nous permet ainsi de nous relier aux autres.
La relation Coach – Coaché n’échappe pas à la règle.
Le Coach professionnel est une personne humaine, qui peut elle aussi entrer en résonance. C’est d’ailleurs aussi sa capacité à pouvoir se connecter à la perception d’autrui qui nourrit sa relation avec le coaché. Mais attention, en posture de Coach, il est important de savoir appréhender le phénomène de résonance comme un point de vigilance particulier. Si une résonance vient à contacter une perception, une expérience personnelle compliquée qui n’aurait pas encore été assez travaillée, qui ne serait pas encore assez apaisée, le risque est grand pour le Coach de n’être plus en mesure de rester totalement aligné avec les valeurs fondamentales et l’éthique du métier.
Tout d’abord, qu’est-ce que le phénomène de « résonance » ?
Le dictionnaire nous indique qu’en physique, « il s’agit de l’augmentation de l’amplitude d’oscillation d’un système, sous l’influence d’impulsions régulières de fréquence voisine de la fréquence propre du système ». Au figuré, la définition reprend la même idée, la résonance traduisant alors « l’effet de ce qui se répercute (dans l’esprit…) », elle représente « ce qui provoque une réponse chez quelqu’un, ce qui l’émeut ».
Il est intéressant de prendre en considération les deux acceptions, physique et figuré, l’humain étant lui-même un « système » qui peut vibrer sous l’effet d’une résonance. L’impact de la résonance au cours d’un échange joue essentiellement au niveau psychique et émotionnel de la personne. Il peut même être éprouvé physiquement (frissons, douleurs, larmes… ou encore malaise, perte de conscience). Et si la résonance est la plupart du temps – au moins en partie – conscientisée, elle peut aussi rester au niveau inconscient. La personne pourra en ressentir les effets, le trouble sans parvenir à démêler le lien entre sa résonance et ce qui vient d’être exprimé (au-delà d’une relation interpersonnelle, la vision d’un objet, d’un lieu, le son d’une musique particulière peuvent également provoquer un phénomène de résonance, il n’y a alors pas d’interaction directe avec autrui).
En coaching, les mêmes possibilités de résonance sont présentes.
Le Coach peut ressentir un phénomène de résonance à l’occasion de ce que le coaché lui partage de son vécu, de son histoire, de ses craintes, de sa représentation de lui-même, de sa vision du monde… Or, une séance de coaching ne met pas en œuvre une simple relation d’échanges entre deux interlocuteurs. La relation est asymétrique, et dans cette relation la responsabilité du Coach est pleinement engagée en tant que professionnel de l’accompagnement et de la relation d’aide.
Bien sûr, même dans cette relation particulière, le Coach reste une personne humaine, et à ce titre pourra toujours entrer en résonance avec un mot ou une phrase prononcés, un dévoilement, quelque chose qui aura été exprimé d’une certaine manière… Mais c’est justement à cet endroit que se situe un des points de vigilance important pour le Coach.
Ce sujet revient régulièrement en Supervision, même s’il peut être abordé sous des angles différents selon les Coachs et les cas qu’ils partagent.
Selon la thématique sous-jacente, la relation que le Coach a établi avec son coaché, la personnalité du Coach lui-même, le travail personnel qu’il a déjà effectué… les effets de la résonance peuvent être très divers. Et l’attitude du Coach lui-même s’inscrit dans un éventail de possibles très large (pouvant aller du déni à l’impuissance culpabilisatrice). Une vigilance particulière est donc toujours de mise lorsqu’il s’agit de résonances. Bien sûr, tout Coach professionnel doit toujours chercher à faire preuve de la plus grande éthique dans sa posture, dans son savoir-être professionnel, dans sa relation avec son client, afin de pouvoir l’accompagner dans son cheminement personnel de la manière la plus ajustée. Mais comment le Coach peut-il rester aligné sur cette recherche éthique lorsque l’il se sait potentiellement objet de résonances ?
S’il n’est pas envisageable de traiter ici de tous les potentialités de résonances, il est possible d’éclairer la manière dont le Coach peut les traverser sans risque de déroger à son éthique professionnelle et à son engagement vis-à-vis de son client. Ce qu’il me semble important de partager pour mieux appréhender le phénomène de résonance pour les professionnels de la relation d’aide, et en particulier les Coachs, tient en 3 points essentiels :
- Nous n’avons de prise possible que sur ce dont nous sommes conscients. Ce qui reste inconscient nous échappe – et les effets de ce qui reste inconscient également. Concernant le phénomène de résonance, la première chose que tout Coach doit toujours garder à l’esprit, c’est justement l’importance du phénomène lui-même pour chacun, y compris lui-même. Comment il se joue, de quoi il parle, ce qu’il peut convoquer et provoquer. Sur ce point, il est important tout au long de l’échange avec le coaché de rester à l’écoute de ses ressentis, de ses éprouvés afin de pouvoir conscientiser au mieux et dans l’instant ce qui se passe pour soi à l’occasion de ce qui est exprimé par le coaché. Nous le savons, il y aura toujours une part d’inconscient dans la relation, c’est inévitable. Mais l’asymétrie de la relation et l’engagement du Coach requiert de sa part une vigilance spécifique. Conscientiser est le premier pas pour pouvoir identifier ce qui se joue. Et même si dans l’instant la cause de la résonance n’est pas directement lisible ou interprétable, prendre conscience d’un écho, d’un retentissement intérieur permet de rester en vigilance afin qu’il ne risque pas de devenir le « driver inconscient » de la réponse du Coach.
- On ne devient pas Coach professionnel par hasard. Tout Coach a une histoire particulière qui l’a amené à s’ouvrir aux métiers de l’accompagnement et à la relation d’aide. S’il est bien sûr très honorable, ce choix n’est jamais neutre. Ce qui a amené chaque Coach à prendre ce chemin de professionnalisation n’appartient qu’à lui. En revanche, il doit à tous ses clients d’avoir mené un véritable travail d’analyse personnel pour comprendre ce choix, ses motivations, ses intentions… C’est ce travail en particulier qui va ensuite permettre au Coach d’accueillir chacun de ses clients dans sa singularité propre, sans risquer que certaines résonances (de parcours de vie, de représentations…) ne viennent s’inviter inconsciemment dans la relation de coaching, et desservir les besoins du coaché, qui – même si les résonances peuvent dans certains cas être nombreuses – a son propre parcours de vie et son propre cheminement à élaborer. A noter que ce point de vigilance est particulièrement important car justement, certains clients peuvent s’adresser à un coach en particulier en raison de ce qu’il perçoit plus ou moins consciemment du parcours de vie du Coach…
- Dans toute relation asymétrique peut résider le risque d’un abus d’influence. C’est le troisième point de vigilance fondamental pour tout Coach professionnel qui exerce son métier de manière engagée et dans le respect de l’une des règles déontologiques de base du métier. Pour se prémunir contre ce risque, les deux premiers points évoqués sont bien sûr cruciaux. Mais au-delà, rester en conscience du pouvoir d’influence du Coach dans la relation asymétrique qui le lie au coaché, et veiller de manière éthique à se garder de tout abus, est une des exigences premières de la posture de Coach et un pré-requis de la part du Coach à l’établissement de toute relation de coaching. Le Coach est un point d’appui essentiel pour le coaché pour la durée du programme de coaching. C’est aux côtés du coaché que le Coach a sa juste place ; dans sa capacité à être l’appui temporaire qui va permettre au coaché de se déployer, dans sa capacité à rencontrer le coaché là où il n’a peut-être jamais encore été rencontré, dans sa capacité à lui transmettre sa confiance… dans tout ce qui lui permet d’accompagner le chemin de croissance et d’autonomie du coaché. Le Coach ne se positionne bien sûr ni en sachant, ni en mentor, ni en conseiller, ni en juge, ni en sauveur (au sens de l’un des rôles du célèbre triangle de Karpman). L’engagement du Coach professionnel à ne pas exercer d’abus d’influence fait partie des règles déontologiques de base rappelées dans tout contrat de coaching. Ne pas respecter cet engagement serait une faute professionnelle et pourrait avoir des conséquences regrettables pour la personne coachée. Au-delà des règles contractuelles – qui doivent bien sûr être posées clairement et respectées – c’est la confiance qu’accorde la personne qui fait appel à un professionnel de la relation d’aide qui engage la responsabilité de ce dernier, et qui requiert de sa part une éthique irréprochable.
La Supervision est une exigence déontologique du métier de Coach car elle permet de revenir sur l’ensemble de ces sujets et bien d’autres afin que les Coachs professionnels puissent toujours exercer leur métier en conscience et responsabilité, de manière ajustée et sécurisée, au service de leurs clients.
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