
J’ai eu le plaisir d’être sollicitée par Solange Hémery et Nathalie de Meyer pour contribuer au précieux ouvrage qu’elles viennent de faire paraitre aux éditions ESF, intitulé “En toute bienveillance”. Ci-dessous mon témoignage de coach et logothérapeute sur ce thème essentiel.
Qu’est-ce que la bienveillance pour toi ?
Pour moi, la bienveillance est au cœur de ce qui fait notre « humanité ». Nous le savons, l’être humain ne peut se développer en tant qu’humain qu’en relation avec d’autres humains. L’enfant a besoin de soins particuliers jusqu’à un âge avancé. S’il est privé de soins prodigués par d’autres humains, il reste un « enfant sauvage »[1] qui ne pourra plus acquérir certaines facultés humaines (en particulier, le langage). Ses besoins n’incluent pas seulement la nourriture, la propreté ou la protection physique. Une relation attentionnée, à travers laquelle une communication peut s’établir, lui permettant de percevoir et d’exprimer des émotions, est essentielle[2]. Dès le départ, le développement de l’ensemble de nos facultés humaines dépend donc de l’intérêt attentionné qu’une autre personne peut nous porter.
La notion de « bienveillance » évoque à la fois une attention et une intention. « Veiller » c’est prêter attention, tendre son esprit vers un objet d’attention, entrer en lien avec lui, et s’en soucier sur une certaine durée. On veille sur un malade, un enfant, un parent, un animal, une œuvre… Quel que soit le contexte, le souci de l’objet d’attention anime la personne qui vielle. Un lien se tisse, par la présence, l’écoute, le regard, l’échange…
Le suffixe « bien » affirme l’intention positive. En effet, il ne s’agit pas de « surveiller », la posture serait alors bien différente. La bienveillance contient fondamentalement une intention favorable envers la personne sur laquelle l’attention est portée. En cela, la confusion peut parfois être faite avec la notion de gentillesse.
De ton vécu de coach et de logothérapeute, en quoi la bienveillance se différencie de la gentillesse ?
La bienveillance induit une posture positive, qui prend soin. Elle exprime un soutien favorisant l’évolution, le développement, le mouvement… Elle contribue à créer une condition indispensable à l’épanouissement de tout être vivant, la sécurité psychologique.
La gentillesse porte également une intention positive mais elle peut ne pas avoir exactement la même visée. Elle ne suggère pas obligatoirement le même degré d’attention, ni la même nature d’intention. Cela dit, elles ne s’excluent pas l’une l’autre, au contraire elles peuvent s’associer.
Comment cela se traduit-il dans tes accompagnements ?
L’intention positive de la bienveillance est plus directement au service d’un processus d’évolution harmonieux et serein. Ainsi, dans la relation d’aide (en coaching ou en thérapie), la bienveillance est, à mon sens, l’un des fondements de la posture de l’accompagnant. Elle favorise un processus d’individuation respectueux et soutenant pour la personne accompagnée. Elle prend soin de lui permettre d’évoluer à son rythme vers l’objectif, le sens, les valeurs, le nouvel équilibre… qu’elle souhaite développer dans le cadre de son travail personnel.
La bienveillance n’est pas seulement une faculté, c’est aussi un choix et une responsabilité. Si l’on se réfère aux catégories de valeurs identifiées par Viktor Frankl[3], elle est souvent valeur d’expérience, mais peut aussi devenir valeur d’engagement, voire valeur d’attitude[4]. En coaching et en thérapie, elle permet d’accueillir la personne dans toute sa singularité, toute sa complexité, de l’aider à se reconnecter à ses valeurs personnelles, et de soutenir la formulation de choix, le développement de capabilités, la mise en mouvement… La bienveillance porte en elle-même un projet humaniste.
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[1] Plusieurs cas d’enfants sauvages ont été recensés dans l’histoire. Le plus connu en France est sans doute le cas de Victor trouvé dans l’Aveyron, dont l’histoire a été portée à l’écran par F. Truffaut.
[2] Lorsque cette condition n’est durablement pas remplie, l’enfant peut présenter des symptômes de régression physique et psychique connu sous le terme de syndrome de l’hospitalisme (très fréquent dans les pouponnières de la France d’après-guerre et plus récemment encore en Roumanie).
[3] Viktor Frankl, philosophe et psychiatre autrichien (1904 – 1997), met au centre des motivations premières de chaque être humain la recherche du sens. Il a conceptualisé la Logothérapie (thérapie par le sens) et, avec l’Analyse Existentielle, a théorisé la base philosophique de son approche.
[4] En quelques mots, les valeurs d’expérience sont celles que nous retenons de notre vécu, de nos rencontres, de notre culture… ; les valeurs de créativité évoquent notre contribution au monde, nos engagements ; enfin, les valeurs d’attitude sont celles qui nous permettent de modifier notre rapport à une situation à laquelle nous ne pouvons nous soustraire.